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Retour aux livres numériquesVolume 41, numéro 1, 2005
Alors que les romanciers, lorsqu’ils parlent de leur art, ne cessent depuis Balzac de s’interroger sur cette instance mystérieuse et cependant centrale à leur réflexion qu’est le personnage (pensons à Proust, Woolf, Mauriac, Sarraute, Butor), ce dernier, fort étonnamment, constitue l’une des « inventions » littéraires les moins étudiées par la critique. Les travaux portant sur tel héros ou telle catégorie de héros — personnage balzacien, héros dostoïevskien — ne manquent évidemment pas, mais l’idée qu’il existe des personnages essentiellement romanesques, dont la nature ne puisse se confondre avec aucune autre et qui pose ses difficultés propres, reste une hypothèse peu explorée[1]. Pourtant, le personnage de roman constitue, pour l’imaginaire et la pensée modernes, l’une des métaphores les plus fortes ou, si l’on préfère, l’un des outils les plus opératoires pour décrire et explorer l’existence humaine. Il l’est dans ses cas spécifiques, que la mémoire convoque comme autant de figures exemplaires — on pense à Deslauriers, dans L’éducation sentimentale, qui cherche à attiser les ambitions de Frédéric Moreau en l’invitant à « se souvenir » de Rastignac —, mais aussi dans l’hypothèse générale qu’il constitue et rend disponible : le personnage romanesque s’offre comme un réservoir infini d’aventures et de destins possibles, infinité qui est celle-là même à laquelle aspire la conscience moderne, de sorte que l’on peut proposer que, de tous les êtres de fiction, le personnage de roman est l’un des plus étroitement liés à l’expression de cette conscience.
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